Flash forward  Toutes ces heures à ajouter sa propre couche de ce mélange poisseux de sueur et de magnésie sur une résine déjà encroutée, à clipper tous les cinquante centimètres, à mourir des bras dans des toits qui n’existent pas en vrai, à mourir des pieds dans des dalles beaucoup trop dalleuses, à regarder des crochetages talons inélégants, à supporter l’épouvantable vacarme des ballons de volley, à mépriser tous ces connards qui friment dans du 7a en exhibants des abdos parfaits, à zipper sur toutes ces couennes médiocres de quinze mètres toutes patinées … tout cela n’avait servi qu’un seul objectif : vous amener au pied de cette grande voie.

Cet article est le premier d’une série. Le suivant Cet article a été initialement publié par votre serviteur sur le site du GEST.

Contexte

J’ai passé beaucoup de temps à rédiger la partie définition de l’article, je l’ai travaillée et retravaillée. Alors pour en avoir fait, je sais ce qu’est la grande voie. Mais pour l’exprimer … c’est une autre paire de manches. Pour arriver à une définition je suis passé par plusieurs étapes. J’ai commencé par ma propre définition, qui n’est pas la meilleure – mais que je vous proposerai quand même – puis j’ai construit tout autour en cherchant différentes pistes de réflexion. Franchement ça tenait de la quête.

Il se trouve qu’on ne peut pas parler de la grande voie sans la remettre dans un contexte. Historiquement l’escalade n’est qu’une des disciplines de l’alpinisme.  Ce site évoque un peu l’histoire de l’alpinisme et la limite avec l’escalade. L’article est très bien, et très éclairant, il donne des éléments de réflexion et des idées pour aider à déterminer la limite entre course d’alpinisme et grande voie d’escalade.

L’escalade propose elle même trois principales disciplines. Il y a le bloc, en gros, on va grimper sur un gros cailloux, sans matériel. Juste une paire de burnes. Il se pratique en intérieur (résine en salle de bloc) ou extérieur en site naturel à fontainebleau par exemple. Fontainebleau à très longtemps été le camp d’entraînement des alpinistes parisiens !

Ensuite il y a la voie ou couenne, qui se pratique avec un matériel spécifique, en particulier une corde. On trouve la voie en intérieur, avec des prises en résine également, ou sur une falaise naturelle ‘courte’ (< 40m) en extérieur

Enfin il y a la grande voie, qui est une variante de la première, qui se pratique avec sensiblement le même matériel que la voie, en extérieur uniquement et en falaise naturelle ‘longue’ (> 40m)

Après la grande voie, on ne peut plus complexifier l’escalade sans revenir dans l’alpinisme.

J’ai arbitrairement ordonné ces trois disciplines de la plus simple à la plus complexe. Mais il n’y a pas de hiérarchie entre elles. A mon avis, le bloc serait sa forme la plus minimaliste, la plus pure, alors que la grande voie, sa forme la plus complète, la plus aboutie.

Chacune nécessite des connaissances et des compétences différentes, chacune procure des efforts, des sensations et des plaisirs différents.

Tentative de définition : pas facile

Une grande voie est une voie de plusieurs longueurs. Commençons par la pire, celle qu’on trouve le plus facilement. Vous me répondrez: Ok, c’est quoi la voie, et c’est quoi une longueur ? La voie est le cheminement à suivre sur une paroi. C’est la définition officielle de la voie, …mais ça marche pour toutes les disciplines quand on regarde bien … 🙁 La longueur, en y réfléchissant attentivement je dirai que c’est une distance inférieure ou égale à la plus grande distance grimpable avec une corde. On me dira que ça dépend de la corde… et je dirai en grande voie on sait tous qu’elle fait 2x50m.

Cette définition bien que tout à fait exacte, est sans doute la pire car elle utilise des termes et des concepts qui présupposent déjà une connaissance de l’escalade.

Alors j’ai regardé sur plusieurs sources sur internet à commencer par les sites d’escalade. On trouve notre première définition un peu partout. Dans ce dictionnaire de l’escalade, comme quelques autres : pas de définition, alors qu’on trouve des mots pour le moins peu commun. Sur camp to camp, je ne sais même pas de quoi ils ont tenté de parler … Les sites d’escalade ne définissent même pas ce qu’est une grande voie. C’est plutôt médiocre. Wikipédia donne une définition plutôt complète, factuelle et technique qui contient aussi une début de méthode pour sa progression et sa réalisation. Ça utilise tout le vocabulaire de l’escalade là encore.

La grande voie c’est l’escalade de falaise de grande hauteur. Cette définition est assez correcte, et a le mérite d’expliquer ce qu’est la grande voie sans utiliser de mots techniques. Mais bon grand c’est relatif… C’est mieux, mais ça ne reste pas satisfaisant, cette définition est bien pauvre pour rendre compte de ce qu’est une grande voie. Ça serait un peu comme décrire un livre en disant que c’est l‘assemblage de morceaux de papiers reliés entre eux pour en faire un tout cohérent et transportable. C’est effectivement ça, un livre. Mais un livre c’est avant tout une histoire, tout comme la grande voie.

Il faudrait ajouter une partie sur les difficultés particulières, spécifiques, engendrées par ce type de grimpe : La grande voie sollicite l’endurance physique et mentale, elle peut être un défi, une mise à l’épreuve de détermination, un apprentissage sur ses propres limites. On est plus exactement dans la définition, mais on a rendu un peu l’effort particulier à mettre en oeuvre. Mais on ne sent pas le voyage qui est une notion que je trouve centrale.

Voici ma toute première définition (qui était déjà le fruit d’une longue réflexion, en amont) La grande voie est avant tout un voyage, une aventure, un dépaysement, on grimpe plusieurs centaines de mètres en oubliant tout le reste pendant quelques heures.

Les sites marchands qui vendent des excursions grandes voies définissent en une ou deux phrases assez simples, mais qui vendent du rêve. Ce sont mes préférées. Voici la meilleure selon moi ici : On pourrait dire que c’est un voyage vertical, une voie d’escalade de plusieurs longueurs, qui permet d’accéder à de magnifiques paysages, de se dépasser et d’arriver fier de soi à un sommet. 

J’aime beaucoup l’idée de fierté, c’est un concept important que j’avais en tête sans réussir à mettre le doigt dessus. Comme vu plus haut je remplacerais le plusieurs longueurs par grande falaise …

L’importance des émotions

Et LE KIF dans tout ça ?

Cette définition ne rend pas compte non plus de l’intense plaisir qu’on y trouve. On fait de l’escalade pour ça avant tout. Le plaisir. Mais la peur aussi, le courage et l’engagement qui lui font face et toute une variété d’émotions particulières, le gaz, la liberté, l’adrénaline, propres à ce sport.

On va s’arrêter là, à la trente deuxième réécriture, j’ai décidé que la grande voie ça ne se définit pas, ça se vit. Ce plaisir particulier et indescriptible, n’existe qu’en grande voie. Quand ceux qui connaissent en parlent, ils vendent du rêve, ils donnent envie. Ils font vivre la légende.

La légende

Le gang des chauves sera d’accord pour dire que parler de la grande voie c’est bien, la vivre c’est mieux, mais au final il faut faire vivre la légende !

Une grande voie, ca ne se définit pas, mais putain ça se raconte ! Les paysages époustouflants, les anecdotes pittoresques, les récits de péripéties, n’auront pas fini d’alimenter les longues soirées de bivouacs.

On trouve quelques récits de grandes voies, qui souvent ressemblent à des descriptions sans âme de ce qu’il s’est passé durant la voie un peu comme si on disait : j’ai lu d’abord le chapitre 1, il mettait dans l’ambiance, puis le chapitre deux … Et le dénouement final du dernier chapitre était une surprise… souvent bien triste. Sur CampToCamp on en trouve des dizaines, ils tiennent plus du rapport financier que du récit de guerre, mais par contre on leur accordera une bonne utilité pour éviter les pièges. Ils doivent être pris comme des extensions, des précisions de topo.

De temps en temps, on trouve des récits d’aventures en grandes voies, eux ils rendent compte un peu mieux de ce que c’est, comme ici. Je m’y suis humblement essayé ici. Mais en réalité, la seule façon de piger ce qu’est la grande voie, c’est d’y aller.

Je vais essayer de pas me mettre à philosopher comme Morpheus ou tous ces vieux grimpeurs … “Il y a une différence entre connaître le chemin et arpenter le chemin”. Certes, tous les récits si pittoresques soient-ils ne donnent qu’une idée superficielle de ce qu’est la grande voie.

Vous voulez savoir ? Allez-y vous même !

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