C’est moi qui raconte

Ce weekend c’était grande voie, et je vais tenter de vous donner envie de vous lancer dans ce genre d’aventures. Désolé de ne pas pouvoir faire un meilleur post en détaillant la voie avec les points de vue de tout le monde, mais je ne suis que moi, alors je raconterai ma grande voie. J’espère que les autres viendront ajouter leurs commentaires.

Nous partîmes 6, je vais les présenter vite fait. Le mercredi lors de la séance hebdomadaire du GEST, juste avant de partir, Fabrice se plaint du genou, il a mal depuis le week end, il peut à peine marcher. Une demi-heure plus tard, Sylvain arrive, il a une putain de douleur à la hanche depuis ce week end, un nerf déplacé selon lui. Voici notre première cordée : Les Eclopés. Chop tout fier de la nouvelle échelle qui porte son nom et Christophe l’homme aux 42 abdominaux visibles, forment la deuxième cordée : Les Beaux Gosses. Enfin, Jean-Jacques, le patron, le gourou, le vieux sage de la Grande voie … (désolé je ne peux pas énumérer tous ses titres ici, il faudrait un hébergement bien trop coûteux pour une association bénévole) et moi, le maillon faible de l’escalade, formons la dernière cordée qui n’a pas reçu de surnom.

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Tout a commencé il y a fort fort longtemps, par une nuit glaciale, dans une contrée reculée, autour d’un verre de transylvanienne, … mais on s’en fout Romain, commence pas à écrire 40 pages, les gens ont autre chose à foutre. Jean-Jacques a choisi pour nous la voie la plus facile de tout Presles, ce secteur mythique de la grande voie, Le Serviteur du Prophète, 240m, 12 longueurs, 6a+, 6b, 5c, 5a, 5c, 6a+, 6a, 6a, 2, 6a+, 6a+, 6a+, c’est jugé très ambitieux de la part de tout le reste du groupe, mais bon le patron … c’est le patron, et puis c’est équipé près.

Alors la logistique, c’est Sir JJ qui s’occupe de tout, nous on s’occupe de rien. Il a réservé le mobile home le plus chaleureux, dans le camping le plus luxueux de la région, loué la limousine la plus somptueuse pour nous déplacer confortablement, délégué gracieusement la réservation des billets de train à Sylvain, il est parti le matin avant tout le monde pour prendre la voiture et repérer courageusement la marche d’approche bucolique. Le seul bémol dans cette organisation c’est que j’ai du faire cordée de belote avec Chop dans le TGV et c’était pas glorieux, on a perdu 3-0.

sdp_peid_des_voiesArrivée au mobile home à minuit, je suis le seul a vouloir prendre une douche avant d’aller au lit, c’était chaud. Le lendemain matin il y avait pas d’eau chaude :D. Une petite victoire personnelle, suivie d’un petit coup de brosse à dent. On emporte de quoi se laver et se changer au spectacle de Jazz à 19H45-précises-pas-de-retards-acceptés.

Levé 7h00, petit déj rapide, 10 minutes plus tard, départ du mobile home à 8h00, arrivée au parking 10 minutes plus tard départ pour la marche d’approche (qui monte comme ça : /) à 8h50 et 10 minutes plus tard enfin au pied de la voie il est 10h00. Départ 10 minutes après vers 10H20.

Première partie : deux longueurs majeures

L’ordre des cordées avait été décidé longtemps à l’avance et la mienne partait en première, suivie des éclopés, et enfin des beaux gosses. Jean-Jacques devait faire les deux premières longueurs annoncées dures. Mais la première étant annoncée 6a+ en dalle avec des pas fins, le genre où je suis le plus à l’aise, et que j’aime bien partir le premier, et que JJ n’aime pas trop, et que c’était une longueur majeure, je me suis sur-motivé et j’y suis allé. Ça Tape !

lsd_mdr_4eme_degaineJe prends un point de repos dès la quatrième dégaine, foutage de ma gueule de circonstance. La première on la vendange toujours un peu. Arrive la sortie de dalle, avec un pas un peu plus athlétique, et je pose le pied, j’étais bien, je charge, mais j’étais sur un peu d’herbe qui me fait zipper, c’est la chute. Ça met un peu de pression. Malgré ça je suis bien dans la voie et plutôt à l’aise, je sors la longueur plutôt content de moi, j’ai sorti une longueur de 6a+ majeure à Presles. Le relai est lié par une cordelette rouge qui annonce « nous, on fait un rappel ici, parce qu’on a pris une boîte », encore un peu de pression. Je fais monter mon JJ tranquille.

La deuxième longueur, JJ est en tête, le déroulement de la corde se fait par à-coup au rythme des pas durs.  Fabrice me rejoint au relai. Je pars en second, je n’ai pas trouvé la longueur spécialement plus dure que la précédente (mais j’étais en moul’) et au débriefing de fin personne n’a trouvé que cette longueur fût cotée 6b, mais plutôt 6a, comme les autres. Encore une cordelette noire de renoncement, jugée trop vieille et dangereuse, Christophe la coupera en y passant. C’était la dernière cordelette, de toutes façons après il n’y a plus d’échappatoire possible, les relais suivants ne sont plus au dessus des précédents, le rappel devient impossible.

Deuxième partie  : trois longueurs faciles

Nous avions convenu que je faisais les 3 longueurs suivantes dans le 5. J’avais l’intention d’enchaîner les deux premières mais au moment de partir Jean Jacques me dit de ne faire que la première pour avoir éventuellement un peu de corde à envoyer en bas pour aider Sylvain sur le pas le plus dur. Mais y a pas eu besoin.

L3 est 5c sur un topo avec une belle portion 6a d’après un autre. C’était pas évident, mais je suis frais, je me donne, je suis vraiment bien. J’enchaine, les points sont plus espacés. J’arrive au bout du dièdre assez à l’aise. Le point suivant est loin (par rapport à l’équipement en place) sur la gauche, j’ai eu du mal à le repérer, la traversée est aérienne. Une petite erreur de lecture, et je monte un peu vers le prochain point, pour redescendre (chaud) et traverser encore avant de sortir la longueur. Jean-Jacques en montant rajoutera un « putain t’as des couilles » de circonstance.

Petite hésitation sur le départ de la voie suivante car il ne faut pas partir à gauche c’est bien précisé sur le topo. Mais le seul point visible est justement à gauche. A droite c’est péteux il y aurait eu un point visible pour un pas de ce genre et tout droit c’est un dévers peu accueillant pour une longueur en 5c. Je pars quand même à gauche, de là je repère bien que ça part effectivement vers la droite mais faut monter un peu avant dans un dièdre dalleux incliné. L4 est agréable : la promenade.

On a convenu que cette fois j’enchaîne les deux longueurs, je marque une pause au relai R4, le pas suivant – départ de L5 – est légèrement déversant, je m’y reprend à deux fois. On est bien dans le 5C, un mix entre dalle, dièdre et Dülfer. J’avance bien mais je trouve qu’il y a moins de points. Je trouve un petit point de repos pour lire et chercher le prochain clou. Trouvé : 1 m sous mes pieds et je ne vois toujours pas le suivant. Je monte encore 2m, toujours rien et putain c’est dur. Je ne sais plus progresser, et soudain le point est là, il se cachait efficacement depuis bien 3 minutes, juste à 10 cm de mon nez, … OUF. Je dégaine. Le talkie choisit ce moment pour grésiller et m’annonce joyeusement qu’il ne reste que 5 à 7m de corde. Je tente une réponse à plusieurs reprises … il m’entend pas. Qu’il se démerde avec la corde chacun ses problèmes après tout, moi je dois continuer. Le prochain point nickel. Je poursuis le dièdre je galère bien, c’est tendu mais j’arrive sous un toit. Loin au dessus de mon dernier point . Je suis assez engagé coincé sous ce toit et aucun spit à l’horizon. Je suppose être hors voie, réfléchit 30 secondes et me souvient que L5 termine par une longue traversée à droite sur une belle vire. Elle est là, évidente, 3m sous moi, vers la droite. Et je vois un point, loin loin à droite puis un autre loin à droite, plus bas que moi de 3m. Je des-escalade tendu. C’était déjà chaud à monter, alors à descendre … Au moment le plus critique une sangle de mon sac à dos se coince quelque part dans le dièdre, je frôle la chute de 10m, mais je tiens. J’arrive sur la vire bien debout-sur-la-plante-des-pieds-ça-fait-plaisir, soulagé, je pose ma dégaine, je tire comme un boeuf pour mousquetonner, rien. JJ vient de partir en corde tendue.sdp_rom_l5

Là je suis au max de mon kiffe, pour de vrai : je viens de galérer dans une mauvaise lecture, j’ai des-escaladé 3m, faillit faire un mauvais vol, je suis 5 mètres au dessus du dernier point et je peux pas mousquetonner parce que mon second vient de partir en corde tendue ! J’ai le sourire qui fait le tour de la tête, c’était le meilleur moment de ma voie. Heureusement qu’il est parti à ce moment si je m’étais pris un stop juste 3m avant … on saura jamais ce que ça aurait pu donner. Je termine cette traversée en 2 en traînant mon boulet, et me dépêche de poser le relais. JJ a dû le sentir, car il a soudainement accéléré si vite que j’avais peine à avaler la corde.

Avant de partir il avait quand même prévenu plus bas qu’il partait en corde tendue, Les Eclopés ont donc fait du réversible. Pour info, Fabrice en tête avait aussi poussé jusqu’à ce toit avant de traverser.

Troisième partie : 4 longueurs de 6a.

Jean-Jacques démarre la suivante comme convenu : L6. Je pense que c’est dans cette voie qu’il a eu le plus de mal, il confirmera peut-être en commentaire. C’est aussi à partir de la qu’on a bien distancé les cordées suivantes. Ce dièdre en 6a+, mal commode et difficile nous a remémoré celui de la deuxième longueur de « d’un extrême à l’autre » du rocher de Gonson. Les pas restent durs et c’est soutenu mais bon c’est JJ quand même ! Il envoie, il met pas bien longtemps à sortir. Par contre moi … même en second… La fatigue commence à se faire bien sentir. Je commence à tirer au clou à plusieurs reprises et me fais prendre sec plusieurs fois. Les premières crampes aux doigts arrivent sur un des pas durs, mon majeur gauche décide de faire grève et de se replier tout seul. Je le redresse avec l’autre main et fait quelques étirements. Je sors assez laborieusement.

sdp_vue_lacJe fais pars de ce début de fatigue à Jean-Jacques qui me remotive bien. On grignote un truc, on boit un coup, et c’est mon tour d’attaquer la prochaine longueur L7. C’est du 5a ça déroule tranquille jusqu’au pas de 6a, petit surplomb avec des belles inversées et deux points à 50 cm l’un de l’autre, autant dire su-per-loin. Je cherche un peu mais déjà fatigué j’insiste pas bien longtemps. Autant pour l’échelle de Chop, je passe en faisant la jolie pédale (terme technique d’escalade), nickel. C’est dégueux, mais JJ fera remarquer avec indulgence que je trouve quand même des solutions. Le reste coule vraiment tout seul. On est sur la fameuse vire médiane de Presles présente sur toutes les parois du secteur à environ la moitié. Y a de la place pour bivouaquer poser une table de pique-nique et faire une belote, mais l’autre cordée est trop loin. Je pose le sac, j’enlève les chaussons prends mon temps pour le relais, et fais monter le second qui va un peu hésiter sur le dernier pas, bizarrement plus que moi. Bref, une longueur que j’ai bien appréciée, malgré la fatigue montante. On attend un peu, mais pas de nouvelle des autres. « On enquille », y a des nuages noirs menaçants depuis peut être une demi-heure déjà, le Maître craint l’averse, ça sent le vécu.

La prochaine part avec un petit dévers. C’est un dièdre surplombant, qui part oblique à droite. Jean-Jacques cherche le deuxième pas sans succès, je lui indique une petite trav qui le sauve, après il sort tout facile, il groupe avec L9 comme suggéré par le topo. Il avouera s’être particulièrement concentré sur la lecture sur cette partie pour grimper intelligemment. Quand j’y pars les crampes dans les doigts sont revenues en force. Tous les doigts. Ils se plient tous seuls, dur d’attraper les prises avec les doigts pliés, sans pouvoir les déplier de force avec l’autre main, j’utilise mon menton pour les déplier :s. C’est là que j’ai perdu beaucoup d’énergie. Petit moment de doute que je pousse quelque part au fond de moi pour avancer. Les crampes finissent par réduire un peu pour disparaître quelques clous plus loin. Je termine sur la traversée rando. Je ressens la vraie fatigue à ce R9.

Quatrième partie : 3 longueurs faciles avec des pas blocs durs de 6a+ 6b.

Facile, mon cul. Bon On avait convenu quelques jours plus tôt que je faisais L11, avec un gros pas de bloc et le reste facile, en tout cas c’est ce que j’avais déduis de la lecture de tous les rapports de grimpes de camptocamp. J’ai ça en tête quand j’envoie JJ dans la L10. Je le vois qui lutte sur plusieurs pas, que je repère bien en me disant que je ne chercherai même pas, que je tirerai au clou direct pour m’économiser au max. A sa deuxième dégaine, coup de pression : on reçoit quelques gouttes de pluie. Au débriefing tout le monde avouera avoir eu un gros moment de solitude à cet instant. Ca dure 20 secondes et c’est tout. Jean-Jacques grogne encore à quelques reprises, ça a quand même l’air chaud, la corde file très irrégulièrement. Il pose le relais, et je le rejoins en tirant au clou je ne sais combien de fois. J’utilise toutes les techniques du sanglier mort.

R10. Je suis cramé. J’informe Jean-Jacques qu’il va devoir tout finir en tête, parce que j’ai plus de jus. Il répond évidemment présent : « pas de problème ». L11 est encore plus tendue, JJ avouera avoir tiré au clou sur le dernier pas. Je ne l’aurais jamais sortie en tête. Il est super chaud, les pieds dans le vide, pas de mains. Même en tirant au clou je passe pas. Comme le pied est dans le vide, la pédale ne sert strictement à rien (JJ ne me l’explique qu’après, le vicieux). C’est lui qui finit par me tracter pas mal. Là on se reprend une mini averse, c’est assez inquiétant, pas pour nous, on n’a plus qu’une longueur, mais pour les autres qui sont loin derrière on suppose à R7. Le soulagement arrive vite, ça n’a duré qu’une minute. Mais on se dépêche déjà depuis les premières gouttes de R10, on peut pas vraiment accélérer. En tout cas pas moi 😀

Je suis au bout de ma vie. Il reste une longueur. Jean-Jacques court dans le début, il pousse le petit couinement qu’il utilise spécialement pour les pas super fins où il est limite limite, quand il a arrêté de respirer, c’est le pas très fin de la L12, un beau passage en dalle. Il se ballade dans le reste, et m’annonce avec un sourire dans la voix, « je suis sorti ! ».

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Je démarre, j’ai l’impression d’avoir trouvé mon 16ème souffle mais en fait c’est juste que le début était surement du 5a. Après ça, c’est le drame. Arrive le pas dur, cette fameuse dalle légèrement traversante. Jean-Jacques me sait si fatigué qu’il me prend au plus sec, la corde est super tendue, je peine à défaire la dégaine, au moment où la corde se décroche je commence à partir et m’accroche en dynamique in-extremis à la sangle de la dégaine avec la main gauche. Je ramène la main droite sur la fissure de gauche, pose un pied fébrile à droite pour opposer, décroche la dégaine, la raccroche au baudard. Je suis vraiment pas bien. C’est ce moment subtile que JJ choisit pour ravaler le mou qu’il n’y avait pas… et me décroche. Je pendule. Je m’arrête dans une dalle compacte, avec rien, à 3 mètres sous la voie. Il n’y a rien, de chez rien. C’est Jean-Jacques qui me remonte. A partir de là, je n’ai plus rien que ma force mentale pour faire les 10 derniers mètres. J’utilise toutes les techniques animalières apprises auprès des plus grands maîtres du genre : la loutre de Charlotte, le cachalot de Mélissa et bien sûr le sanglier mort d’Adrien. Les genoux y passent… il n’y a même plus de case dans l’échelle de Chop pour mesurer ce niveau d’ignominie. Je pense que certains anciens se sont retournés dans leurs tombes. 16H21, la voie est sortie. On se repose un peu, on se félicite, on se surfélicite, on kiffe, on gueule, on re-gueule sur un répondeur.

Je suis véritablement à bout de force, épuisé. Je ne sais pas trop décrire mon ressenti, à la sortie. Je suis content comme jamais.

On attend les autres

Pendant ce temps à Vera Cruz … On a aucune idée de ce qu’il se passe. On a aucune trace des autres depuis au moins 4 longueurs. On s’inquiète pour l’heure car le retro planning avait fixé la limite de sortie à 18h pour aller à notre diner-concert de Jazz. On se déplace sur le sommet pour avoir quelques points de vues sur la voie et regarder où ils en sont. Personne.

sdp_la_voie_fabriceOn finit par voir un Chop arriver sur ce qu’on pense être R9. Ils sont encore loin. Au bout d’un moment Sylvain sort de nulle part et arrive dans le début de L11. il nous dit qu’il enchaîne les deux longueurs, car Fabrice est fumé. On sent qu’il fatigue beaucoup, il y a du tirage. Jean-Jacques lui propose de lui envoyer un brin de corde, il refuse, avance et se plante dans le pas dur de L12 et finit par accepter la corde de JJ. Il sort. Les autres suivent petit à petit dans la foulée. Christophe lui, sort propre sans l’aide d’un brin supplémentaire, suivit par Chop, ça fait 4 longueurs qu’il est en tête, parce que Chop, Le Chop, celui de l’échelle qui porte son nom, est fumé. Un mythe s’effondre. Il est 19H01.

On décolle en trombe pour la marche de retour, on a un petit morceau bucolique sur le sommet, c’est bien agréable, la lumière est top, Chop prend des photos magnifiques. On rejoint le GR au bout de 10 minutes, vers 19H20. A partir de là ça descend comme ça :\, puis ca commence à descendre bien plus raide encore. Jean-Jacques annonce qu’on se dépêche, qu’il ne reste que 10 minutes à marcher. Au début je suis le rythme j’ouvre même la marche. Mais la descente vient à bout de moi assez vite. La nuit est tombée. Le chemin devient assez difficile toujours très pentu. Les autres m’ont doublé depuis un moment déjà. Je puise mes dernières ressources, dépasse mes limites, les repousse, en trouve de nouvelles et les dépasse encore … Quand mon niveau de fatigue devient si intense que je suis obligé de ralentir car j’ai peur que mes jambes me lâchent ; je trouve un grand bâton pour m’aider à marcher, et passe un virage en contre-jour, les autres m’ont avoué qu’ils ont cru voir arriver Jésus… Je les vois tous à m’attendre. Fausse joie : j’ai cru qu’on était arrivés, mais nooooon. C’est juste une petite pause pour appeler Charlotte, car le Jazz c’est pas pour ce soir. Trop tard, il est déjà plus de 20h. On choisit de la retrouver au Grizzly, un bar restaurant. On repart il ne reste plus que que 10 minutes pour rejoindre la voiture. On traverse beaucoup de pierriers sur la fin et retour à la voiture 10 minutes après, à 20H40. La marche de retour aura eu raison de moi en 1h40, AMHA le topo se gourre fort sur le temps de retour.

Fin de soirée

On retrouve Charlotte une ancienne du club qui habite maintenant dans le coin, avec deux de ses amis. Ils ont courageusement bu des bières pendant les trois heures précédentes en nous attendant et négocié assez ferme pour que le restaurateur nous attende malgré la fermeture des cuisines de 21h.

Bière et burger. Hé oui, on a rien mangé depuis 7H30 ce matin à part quelques barres énergétiques et de l’eau. BIERE ET BURGER. J’ai tout aspiré en 15 minutes. Le débrief est sympa la soirée super, on décompresse, on rigole beaucoup, on se félicite, on trinque, on savoure, on exulte, on re-trinque … Retour au mobile home, le gardien a réparé l’eau chaude, on passe tous à la douche (heu … à tour de rôle, je précise à nos lecteurs), ma brosse à dents a disparu. Je prends un décontractant musculaire et au lit ! Je pense m’être endormi dans les 4 secondes ayant précédé la pose de ma tête sur l’oreiller.

Deuxième jour de grande voie

Hé oui, un week end ça dure souvent deux jours. Grasse matinée, on s’est levé à 8h00. Petit déj, toujours pas retrouvé ma brosse à dents. On range tout, on fait un coup de ménage, on part à 9H30, arrivé au parking à 9H40 10 vraies minutes plus tard (Petite précision anecdotique, jusqu’ici, les temps étaient donnés en minutes-Jean-Jacques, unité de mesure empirique et subjective qu’on ne retrouve que dans certains groupes fermés comme des cordées d’escalade, à ne pas confondre avec les minutes habituelles qui elles mesurent une durée objective). Tout le monde sort de la limousine et on se demande qui va dans quelle voie, il y en a deux. Chop et moi choisissons de renoncer, faute d’énergie. Sylvain nous regonfle à bloc, on entame la fastidieuse marche d’approche qui monte comme ca :/.

Arrivée en haut, au moment de poser le rappel, je choisi de renoncer, je ne me sens tout simplement pas capable de grimper aujourd’hui. Comme si ils attendaient le signal, Chop et Fabrice renoncent aussi. Sylvain se sacrifie, et Christophe et JJ partent donc dans la 6b, seuls. Je ne m’appesantirai pas sur la honte qui nous a assaillit d’abandonner lâchement Sylvain, ni sur sa profonde déception, mais parfois il faut savoir renoncer. Mieux vaut ne pas y aller que de rester coincer dans la voie faute d’énergie. Les deux grimpeurs sont partis à 10H30.sdp_la_table

Comme je l’ai dit je raconte selon mon point de vue alors, je ne vous dirai rien de plus sur ce sujet. Les quatre restants ont redescendu le matos inutilisé à la voiture, sont remontés faire une belote, la revenche avec les mêmes équipes, mais cette fois Chop a assuré 2-0, jusqu’à 13H30 quand les deux sont sortis. 6 longueurs et 3 rappels en 3h, la classe. Ils ont couru dedans.

Pour la première fois de toute l’histoire de la grande voie, on était pas charrette au train. On a eu le temps de s’arrêter une nouvelle fois au Grizzly, de boire pas mal de bières, d’éclater deux plateaux de fromage et charcuterie, d’aller faire le plein, de garer la voiture, de boire une bière dans un resto chinois, d’y manger, de retourner à la voiture prendre les sacs et d’arriver à la gare laaarge. Dans le TGV, bière, Chop dormait, Christophe faisait un jeu vidéo, et la cordée des éclopés a encore perdu 2-0 à la belote. Retour chez moi à 23h, j’ai découvert que j’ai l’aine couverte de piqures d’aoutats, j’ai plongé dans un bain brûlant qui m’a fait le plus grand bien, je me suis brossé les dents (j’avais des brosses de rechange, ouf) et j’ai dormi comme un bébé.

Petites remarques personnelles

En démarrant une grande voie il est une forme d’engagement que je n’ai encore jamais vu avant. On est obligé de sortir. Cette phrase anodine, tente de représenter un concept qu’on ne pige vraiment qu’en atteignant ses limites dans la voie, en se rendant compte qu’on n’a plus l’énergie de continuer, mais qu’il va quand même falloir y aller ; simplement parce qu’on ne peut pas abandonner et redescendre en rappel, même en laissant du matériel, par ce que ce n’est simplement pas possible. J’avais touché cette idée du bout de l’esprit dans les précédentes grandes voies, je l’avais entraperçue. Mais ce samedi 24 Septembre, restera gravé dans ma mémoire, parce que j’ai tellement dépassé mes limites physiques, j’étais tellement au-delà de ce dont je me croyais capable, j’ai été cherché si loin la volonté de sortir, que j’ai vraiment réalisé ce qu’est cet engagement.

J’en garde une sorte de satisfaction personnelle, unique et intense que je n’avais jamais ressentie dans d’autres activités. Jean-Jacques dit que ça ne se partage pas vraiment. J’espère que j’ai réussi un peu, mais je pense qu’il a raison. Alors même que j’ai pratiqué la plus épouvantable des escalades (sur tout le dernier quart) ; je suis quand même fier de moi, fier de m’être dépassé.

J’espère que j’ai su vous faire partager les moments intenses de ma grimpe, mais en me relisant, je vois que j’ai quand même écrit un putain de long article, j’en suis désolé, mais il fallait bien ça pour rendre compte de l’intensité de ce périple.

Le lundi matin, en me levant, j’ai l’impression d’avoir 90 ans. J’ai mal partout, chaque pas est une torture, chaque marche d’escaliers est un supplice ; mais, au dessus du cou, je n’ai pas de courbatures, et ça, c’est une sorte de deuxième victoire personnelle.

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On retrouve aussi ce post sur le site du club.

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